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« Une image photographique est une section dans le faisceau de rayons de la lumière réfléchissante projeté par les objets dans une portion d’espace. L’objet en trois dimensions, la photographie le restitue sur une surface plane selon les règles de la géométrie projective. En 1858, l’architecte en chef des chantiers gouvernementaux, Albrecht Meydenbauer, eut l’idée de mettre à profit ce principe optique, et de déduire de clichés photographiques les dimensions des objets. Lorsqu’il fut chargé de prendre les mesures de la façade de la cathédrale de Wetzlar, pour économiser les coûts d’un échafaudage il résolut de se déplacer le long de la façade dans une nacelle accrochée à un palan comme le font les laveurs de vitres. Un soir, pour gagner du temps, il voulut sauter de la nacelle dans une fenêtre de la tour, la nacelle s’écarta de la façade, Meydenbauer faillit être précipité dans le vide. « Dans cette dernière extrémité, j’agrippai de la main droite le jambage oblique et poussai du pied gauche la nacelle loin en arrière. Le contrecoup suffit à projeter mon corps dans l’ouverture, j’étais sauvé. […] En redescendant, il me vint cette idée : au lieu de prendre des mesures à la main, ne pourrait-on les déduire du renversement de la vue perspective fixée sur les épreuves photographiques ? Cette idée, qui écartait tout effort personnel et tout danger pour le métreur, fut à l’origine de la photogrammétrie. » […] « Cela peut paraître incroyable à certains, mais l’expérience le confirme : on ne voit pas tout, mais on voit beaucoup de choses mieux sur un photogramme que sur place. » affirme Meydenbauer dans un texte par lequel il voulait encourager la création d’un fonds d’archives des monuments. Il exposa une fois encore les risques d’une station prolongée sur les lieux, fût-ce pour les mesurer. « Cette activité qui requiert un effort mental et physique considérable, expose l’architecte aux intempéries, la lumière du soleil ou la pluie tombent sur son carnet d’esquisses, la poussière dans ses yeux quand il les lève. » C’est un dégoût de l’objectivité du monde qui s’exprime ici. Le mémoire de Meydenbauer suscita la fondation, en 1885, de l’institut royal prussien de photogrammétrie, le premier au monde. L’idée de mesurer d’après photographies fut reprise par l’armée, et par les conservateurs des monuments historiques – les uns détruisent, les autres préservent. » – Harun Farocki. Il serait temps que la réalité commence – Reconnaître et poursuivre, Ed. Théâtre Typographique, 2002

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Chamanisme, enfermement, rock’n’roll est une proposition qui fait suite aux travaux entreprit avec Documents (Appartement-Galerie Interface, 2013), poursuivis avec Aucun souvenir assez solide (Galerie Marine Veilleux, 2014) et qui pourrait être lue comme une invitation à explorer l’idée selon laquelle, de façon autrement conséquente et précisément dans le même temps que l’assertion inverse, le langage produit des situations. N’est-ce pas le genre de paradigmes féconds qui nous font dire que les choses ont de l’allure ? Un appel lancé ici, comme à d’autres ailleurs : pour que la réalité commence.

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Chamanisme, enfermement, rock’n’roll nait, pour une part, avec BLISS#7, de la collaboration entre l’artiste et les éditions Clinamen. A bord de ce projet tout est possible et tout doit être fait pour élargir le cercle afin que ce cercle devienne ce cercle dont le centre est partout et la circonférence nulle part. dliss est un projet d’édition hybride et sans fin qui se positionne à la limite de l’objet et du virtuel. Curatée par Ceel Mogami de Haas, la collection co éditée par ActiveRat et Clinamen prend la forme d’une série de fonds d’écran et de pièces sonores téléchargeables.